Deuxième jour
La lumière du jour baignait la pièce, du sol au plafond tout était éclairé. Assis sur son lit, Léo regardait les ombres projetées par chaque objet de la pièce. Elles renfermaient la réalité de cet endroit. Léo ne pouvait pas détacher son regard de ces tâches d'un noir si profond qu'elles semblaient totalement absorber la lumière. Cet effet créait une séparation nette entre les espaces illuminés et ceux-ci.
Le mariage de sa sœur serait célébré le jour même. Il en était sûr, même si toutes les autres informations semblaient se brouiller dans sa tête.
« Je suis venu pour elle. Elle va me tuer si je rate son mariage. »
Son corps se souleva péniblement. Son être tout entier lui ordonnait de rester sur le lit, de dormir, de regarder la télé. Mais il n'écoutait pas. Il était de ces personnes qui ne reste jamais en place. Toujours sur 3 ou 4 projets, à tenir des délais impossibles pour d'autres.
Léo était un homme concentré et organisé. C'est ce qui lui permettait de se marteler ce rappel silencieux : « Survis et sors d'ici ! »
Il devait prendre ses vêtements dans la penderie. Il n'arrivait même pas à se souvenir quand il les y avait mis. Il n'avait pas l'habitude de défaire sa valise pour les courts séjours. Elle restait généralement proche de son lit. Toujours prêt à partir même en pleine nuit quand un lieu ne lui plaisait pas.
Pourtant, il restait ici. Il marchait avec la lenteur d'un vieil homme, sentant ses os craquer alors qu'il se rapprochait de la penderie avec l'idée fixe en tête de sortir voir sa sœur, ses parents, même la tête à claque de son beau-frère et son insupportable sociabilité.
Parvenue devant elle, Léo souleva sa main droit avec lenteur vers la poignée. Il allait ouvrir la porte quand une voix résonna dans sa tête : « Arrête ! »
Léo stoppa net son mouvement. C'était la voix de sa grand-mère. Encore elle. En y repensant, il l'avait entendu quand il était arrivé aux portes de l'hôtel. Mais il venait de répondre un peu sèchement au chauffeur alors il avait pris ça pour de la culpabilité.
Maintenant, il ne pouvait plus l'ignorer. Il resta concentré sur la demande sa grand-mère ; elle devait bien comprendre qu'il fallait qu'il sorte de cet endroit. Cette chambre assombrie et froide. Les ombres avaient grandi et elles dévoraient l'appartement.
« Reste en vie. Repose-toi. Rappelle-toi. »
La voix de sa grand-mère lui parlait avec un étrange mélange de douceur et de fermeté. Mbombo faisait souvent ça pour faire comprendre, gentiment, que c'était un ordre poli. L'image de sa grand-mère et de sa famille piqua ses yeux. Il renâcla puis s'essuya vigoureusement les yeux avant de s'éloigner de la penderie.
Il alla passer un coup de téléphone à l'interphone relié au service :
— Pouvez-vous mon petit-déjeuner ?
— Avec plaisir monsieur. Nous heureux de vous faire profiter des options de notre établissements.

Léo s'était assis sur le lit, pieds joints, les mains sur ses genoux, le regard fixé sur les plats qu'il ne se décidait pas à toucher. Il y avait tout ce qu'il aime. Littéralement son petit déjeuner favori : un croissant, trois tranches de pain tartinées de margarine et de miel, une tasse de café sans lait et un verre de jus de pomme.
Il avait simplement demandé qu'on lui fasse monter son petit-déjeuner. Il n'avait pas rempli une fiche sur ses goûts alimentaires.
« Tu as ce que tu aimes ? alors bouffe ! » Il attaqua son repas, parce qu'il commençait à avoir faim et aussi à causse de cette sensation qu'il reconnaissait maintenant. Celle d'être observé. L'hôtel répondait à ses besoins tant que cela n'incluait pas de s'en aller. « OK. On va voir ce qu'il y a à voir ici.»
Trente minute après, il avait consciencieusement avalé tout son petit-déjeuner. Il sortit de la chambre chaussé de sandales, non sans dire à voix haute : « Je devrais aller faire un tour à la piscine pour passer le temps. ».
La piscine se trouvait derrière, près du restaurant. Il l'avait repéré en regardant l'extérieur la veille au soir. Il ignorait si c'était une illusion mais une piscine c'était quand même une bonne idée pour maintenir des gens enfermés sans qu'ils ne deviennent fous, seuls, dans leur chambre.
Il s'engagea dans le couloir, vers sa gauche. Il voulait voir si la voisine était bien réelle. Au moment où il s'apprêtait à frapper, elle ouvrit la porte. C'était bien Chloé, vêtue de la même robe que la veille. Elle le regardait comme ce livreur qu'on guette par la fenêtre avec impatience.
— On part à la piscine ? dit-elle avec enthousiasme.
— Bien sûr. Je te suis.
Quand elle referma la porte, Léo remarqua pendant un court instant le visage inquiet de Chloé qui se reflétait dans le miroir du petit couloir de l'entrée. Il y avait la même configuration dans son appartement.
Chloé qui se trouvait également devant lui, sereine et enthousiaste à l'idée de piquer une tête lui tira le bras, à la manière de ces photos d'instagrameuses.
Léo lui sourit ; et sans ciller, il la suivit dans les escaliers.
A suivre...
